d'Alençon Jean, Les risques du bonheur, Paris, Brepols, 1997, 275p.

Portes ouvertes enfoncées à tour de bras ("quand on travaille et que l'on perçoit une contrepartie en salaire, on n'est pas au chômage, c'est une première constatation"), lieux communs des plus éculés ("La femme est donc davantage tournée vers l'intérieur, par le fait même de la maternité, et l'homme vers l'extérieur, par son sens du concret ou de la matière") ou simples imbécillités ("l'athéisme aboutit à la négation de l'homme") remplissent ce livre pourtant écrit par un docteur en philosophie… on lit plus bas sur la jacquette que l'auteur a aussi été "secrétaire général du patronat"… tout s'explique !!! En résumé : c'est NAZE.

Bourdieu Pierre, Sur la télévision, Paris, Liber - Raisons d'agir, 1996, 95p.

Transcription de deux cours télévisés du Collège de France. Du Bourdieu oral, donc du Bourdieu moins subtil, moins "contrôlé", mais ô combien plus facile à lire. Indispensable si vous avez encore des illusions sur la télé, indispensable si vous n'en avez plus mais que vous voulez vous retrouver dans les paroles d'un chercheur qui ne lance pas de phrases en l'air mais procède par exemples réels, nominatifs. D'ailleurs, à cause de cela, tout le monde n'a pas aimé…

Cabu / Chifflet, Rien à foot, Paris, Mille et une nuits, 1998, 95p.

Petit opuscule marrant, à feuilleter pour se remémorer la grande décérébration collective qui eut lieu en France un certain mois de juillet 1998. Pour les jeunes qui n'étaient pas nés et qui me liraient, je rappellerais que des centaines de milliers de gens (au moins) ont couru dans la rue, bourrés, avec des drapeaux (beurk), parce qu'un type avait envoyé plusieurs fois un ballon au fond d'un filet. Hé oui… (Lire Berk foutebôle)

Calaferte Louis, Satori, Paris, Folio, 1997, 115p.

"Tentative de poétisation totale" lit-on au dos du livre… poétisation extrême qui pousse loin la langue, très loin vers la sensation… qui parfois confine à l'abstraction. 115 pages de musique poétique brute et fignolée, lourde et délicatement ciselée "...démone… je fructe tes nectars… ta voulpe d'émeraude… je m'endiamêle sous tes bisons chevus… douce alampée d'algues…"

Calaferte Louis, C'est la guerre, Paris, Folio, 1996, 240p.

L'atrocité de la guerre, son absurdité, mais surtout la veulerie des profiteurs vus à travers des yeux d'enfant. L'enfant Louis Calaferte. Il nous décrit un monde d'hypocrisie, une jungle où les plus vils se rangent du côté des plus forts et où l'enfant narrateur prend des coups : les coups irréparables de la bassesse et de l'égoïsme mis à nu. Le livre qu'il faut lire pour comprendre vraiment l'œuvre de Calaferte.

Chesnais Robert, SDF, truands et assassins dans le Paris du Roi-Soleil, Paris, L'Esprit Frappeur, 1998, 125p.

L'insécurité : grand débat où deux conceptions s'affrontent. L'opinion de droite qui prône une répression carrée et sans faille, préférant "l'injustice au désordre" ; l'opinion de gauche qui préfère parler de prévention, préférant "le désordre à l'injustice"… Dans ce livre Robert Chesnais nous décrit le coupe-gorge qu'était Paris au 17ème siècle et montre que si la répression peut donner quelques résultats à court terme elle est loin d'être la panacée dans la lutte contre la délinquance. Les vraies victoires dans ce domaine ne s'obtiennent que par l'amélioration du niveau de vie de la population (éducation, santé, habitat…), c'est-à-dire par une politique volontaire et énergique de prévention et de démocratisation.

Chomsky Noam, Responsabilités des intellectuels, Marseille, Agone Editeur, 1998, 165p.

Compilation de conférences prononcées par Chomsky, célèbre linguiste et militant libertaire, s'intéressant tout particulièrement aux médias et à la "fabrication du consentement". Chomsky montre ici comment et pourquoi le drame du Timor Oriental (annexé par l'Indonésie au milieu des années 70) fût largement passé sous silence par les grandes "démocraties" occidentales – en particulier les Etats-Unis. Cas exemplaire de cécité intellectuelle de la part de bon nombre de journalistes, le traitement médiatique réservé à ce conflit illustre la politique étrangère souvent agressive, immorale et pillarde des grandes puissances ainsi que la création de toute pièce des mythes d'Etat (ennemis intérieurs ou extérieurs) servant à dissimuler des vérités peu reluisantes.

Ferry Luc, L'homme-dieu ou le sens de la vie, Paris, Grasset, 1996, 250p.

Ouvrage qui donne l'impression d'être dominé par une mode intellectuelle conservatrice bien contemporaine. Dans une première partie, Ferry donne l'impression - diffuse - de participer à la critique de ce qu'une frange de la droite appelle le "droit-de-l'hommisme"… Critique selon laquelle l'homme aurait des devoirs (envers dieu, la patrie, la république…) avant d'avoir des droits. Et puis, la lecture se poursuivant on comprend que rien ne sortira vraiment de ce livre qui est un amalgame de lieux communs ramassés çà et là dans les éditos de l'Express ou du Nouvel Obs… une prose bien pensante à la Jean Daniel, rassurante en surface comme un épisode de "La petite maison dans la prairie" mais sous-tendue par des valeurs momolles et relativisantes qui, on le sait, amènent au pire. En résumé : un essai mou, parfois un peu gluant.

Forrester Viviane, L'horreur économique, Paris, Fayard, 1996, 215p.

Forrester découvre ou feint de découvrir des choses découvertes par les sociologues depuis belle-lurette ("la violence du calme" ou le poids des normes sociales sur chacun de nous) mais relève de façon élégante les contradictions du capitalisme (là non plus ce n'est pas tellement nouveau, je me suis laissé dire qu'un certain Marx…). Pas fantastique, mais loin d'être nul.

Halimi Serge, Les nouveaux chiens de garde, Paris, Liber - Raisons d'agir, 1997, 111p.

Petit livre corrosif sur "les nouveaux chiens de garde" du système économique libéral que sont nos journalistes, éditorialistes ou présentateurs de JT… Corrosif car Halimi met à jour les multiples collusions qui existent entre journalisme et politique. On comprend que ce livre puisse déranger ceux qui croient, veulent croire ou veulent faire croire à l'indépendance d'une presse "contre-pouvoir"… Rares sont en effet les journaux indépendants à l'esprit critique sans concession (voir Le Monde Diplomatique et Charlie Hebdo).

Houellebecq Michel, Les particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998, 395p.

Un bouquin sympa qui ne mérite vraiment pas les critiques qui lui ont été faites. Houellebecq dresse ici un constat de notre société, à travers le filtre de personnages dépressifs et cruellement isolés, même s'ils semblent pourtant bien intégrés socialement. Derrière le vernis du prof ou du chercheur brillant se cachent en fait des êtres profondément seuls, marginalisés, selon Houellebecq, par une société sans normes qui a placé les rapports humains, non sous une plus grande liberté, mais sous une compétition plus sauvage qui écrase et aigrit les plus faibles… La libération sexuelle comme "compétition sexuelle" exacerbée… On peut être d'accord ou pas, reste que cela est bien écrit et que cette espèce d'étude clinique de caractères sonne juste. Livre scandaleux ? Sorman ou d'Alençon nous font part - sérieusement - d'idées bien plus dangereuses ! Il est donc aussi intéressant de lire cet ouvrage comme une illustration des écrits de Bourdieu ou d'Halimi sur les "coups médiatiques"… ou comment on parvient à faire prendre la mayonnaise à partir de pas grand chose...

King Stephen, Shining, Paris, J'ai Lu, 1998, 575p.

Danny, enfant médium, va passer un hiver avec ses parents, coupés de tout, dans l'Overlook, grand hôtel d'altitude. Mais l'hôtel agit étrangement sur le caractère de chacun des personnages, comme si une force inconnue prenait peu à peu possession d'eux, en particulier du père, Jack, qui devient fou et commence à ressentir d'irrépressibles envies de meurtre… tout comme le précédent gardien de l'hôtel d'ailleurs… King prend tout son temps pour créer une ambiance oppressante et la pousser jusqu'à l'ultime, non sans avoir joué avec les nerfs du lecteur qui se dit que décidément, tout ça va mal finir… mais comment ?

Labarde Philippe, Maris Bernard, La Bourse ou la Vie, Paris, Albin Michel, 2000, 200p.

Vous avez aimé Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie ! des mêmes auteurs ? Vous adorerez La Bourse ou la Vie. Polémistes et économistes rigoureux, Labarde et Maris démontent point par point le discours libéral destiné à nous faire avaler que la bourse est l'avenir de l'Homme. Privatisations, fonds de pension, actionnariat salarié… tout passe sous le couperet acide de leur plume. La retraite par répartition condamnée à moyen terme à cause de problèmes démographiques (moins d'actifs pour plus d'inactifs) ? Ils montrent que le problème se posera avec la même acuité en cas de retraite par capitalisation. L'actionnariat salarié ? L'ouvrier enfin propriétaire des moyens de productions ? On rit avec les auteurs de cette utopie de pacotille semée par les libéraux lorsque l'on sait que les salariés détiennent en moyenne… 2,1% des actions des entreprises entrant dans le CAC 40. Un livre passionnant dont on a du mal à se détacher tant les lieux communs boursiers y sont méthodiquement éreintés. A lire. Très pédagogique.

Lecourt Dominique, Les piètres penseurs, Paris, Flammarion, 1999, 200p.

Dominique Lecourt, philosophe, professeur à Paris VII, tente d’analyser ici les raisons qui ont progressivement conduit une fraction des intellectuels français à renoncer à construire une pensée nouvelle, critique. Il épingle donc ces "leaders d'opinion" qui à tout moment peuvent donner leur avis sur tout… de préférence dans les médias de masse. Bernard Henri-Lévy, André Comte-Sponville ou encore Luc Ferry en prennent pour leur grade. A juste titre puisque la "philosophie" des ces "philosophes" consiste le plus souvent à enrober élégamment une somme de lieux communs… Exemple, Luc Ferry : "Impossible pour qui aime les enfants, de rester tout à fait insensible au malheur qui frappe leurs semblables, fût-ce à l'autre bout du monde"… Ferry accompagné de Comte-Sponville : "La vie est trop brève, trop précieuse, trop difficile pour qu'on se résigne à la vivre n'importe comment"… Et pour finir, Comte-Sponville tout seul comme un grand : "Manger est bon, boire est bon, faire l'amour est bon"… C'est Comte-Sponville ou Conte-Sponcifs ?

Ramonet Ignacio, Géopolitique du chaos, Paris, Galilée, 1997, 165p.

Ouïe ! Loin du monde des Schtroumpfs de Guy Sorman ("Ah, m'sieurs dames, tout irait mieux si on privatisait, précarisait, dérèglementait"… et autres fadaises) le livre de Ramonet nous brosse un tableau réaliste et trop souvent occulté du monde où nous vivons. Un tableau noir et tristement objectif qui n'est que mieux souligné par des rapprochements de chiffres pour le moins cruels… Bref, un petit instantané bien sympathique d'une bien jolie planète où "la fortune des 358 personnes les plus riches […] est supérieure au revenu annuel des 45% d'habitants les plus pauvres, soit 2,6 milliards de personnes"…

Ramonet Ignacio, La Tyrannie de la communication, Paris, Galilée, 1999, 200p.

Toujours fidèle à sa méthode et à sa volonté d'informer de manière pédagogique, Ramonet démonte ici la prétendue "promesse de bonheur" que constitue la communication. En effet, alors que les moyens de communication n'ont jamais été aussi performants, le citoyen se trouve noyé et lésé par un flot continu de non-information qui tend à le détacher de la vie civique à laquelle il devrait prendre part. La couverture médiatique accordée à l'affaire Clinton-Lewinsky ou à la mort de la princesse Diana sont pour l'auteur deux bons exemples de vide… ou plutôt de trop plein finissant par masquer la réalité. De plus, la communication glorifiée ("grande superstition moderne") peut-elle vraiment venir à bout des maux de notre planète lorsque l'on sait qu'il y a plus de lignes téléphoniques à Tokyo que dans toute l'Afrique subsaharienne ? Que seulement 4 à 5 % de la population mondiale a accès à Internet ? Ramonet opère donc ici une remise à plat salutaire du concept creux et très occidental de communication… A lire pour se désintoxiquer !

Sorman Guy, En attendant les barbares, Paris, Le livre de poche, 1994, 380p.

Peut-on faire plus nul ? Oui, tout de même, le bouquin de Jean d'Alançon lui fait une sévère concurrence… mais que penser de phrases telles que : "une enquête d'opinion réalisée par la SOFRES […] révélait ainsi que les entreprises de moins de cent salariés seraient disposées à recruter immédiatement 500 000 jeunes de moins de vingt ans, si les charges sociales étaient réduites de 50 %"… argument de Sorman pour réclamer moins de charges. Sondage bidon… demandez à un cochon s'il veut plus de confiture ! Une telle candeur, ou une telle malhonnêteté, sous la plume de qui se veut un penseur du social nous empêche de prendre au sérieux les élucubrations de l'auteur. Et il n'y a vraiment que Le Figaro pour déclarer à propos de ce bouquin : "une mine d'informations et de réflexions, dont la largeur de vue relativise les craintes, stimule les imaginations, oblige à un autre regard"… Bah, entre potes !

Verdès-Leroux Jeannine, Le savant et la politique. Essai sur le terrorisme sociologique de Pierre Bourdieu, Paris, Grasset, 1998, 250p.

JV-L se propose de ramener Bourdieu à "sa juste valeur" (c'est-à-dire, pour elle, à quelques degrés en dessous de zéro…). Hélas ! Cette entreprise va s'effondrer, au fil des pages, sous le poids de ses propres contradictions… dommage pour un texte qui se voulait une coupe réglée de l'œuvre –et même de la personnalité– bourdieusienne. JV-L accuse Bourdieu de se perdre en citations déplacées ? Au bout de 30 pages elle nous a déjà gratifié d'un passage de la correspondance Trotski / Souvarine et d'une pensée de l'écrivain D. Shahar, auteur du Palais des vases brisés… Bourdieu ne vulgarise pas assez ses recherches bien qu'il se proclame haut et fort du côté des dominés, dit-elle encore. La preuve : La distinction, Les règles de l'art, Le sens pratique, Méditations pascaliennes, etc. sont des ouvrages ardus pour spécialistes de la discipline. Quelques pages plus loin, on comprend que, finalement, tout compte fait, à la réflexion, Bourdieu vulgarise trop. La preuve : Questions de sociologie, Choses dites, Réponses, Libre-échange, Sur la télévision, Contre-feux, etc. sont des livres simplistes où Bourdieu se caricature… Bref, lorsque Bourdieu écrit des bouquins de spécialiste ça ennuie JV-L, et lorsque Bourdieu écrit des bouquins pour un plus large public ça ennuie JV-L aussi. En somme, JV-L ne peut pas saquer Bourdieu. Mais ça, elle aurait pu nous le dire en deux mots, ça nous aurait fait gagner du temps.

Wolton Dominique, Internet, et après ?, Paris, Flammarion, 1999, 240p.

Sous titré "Une théorie critique des nouveaux médias", ce bouquin bénéficie d'une couverture alléchante même si l'on sait qu'en matière de médias Wolton n'a jamais vraiment émis de critiques très critiques… Mais là, allez savoir pourquoi, on a été tenté. Peut-être parce qu'il parle d'internet ? Peut-être parce qu'on se disait qu'il faudrait bien lire un de ses bouquins en entier, au moins une fois ? Bref, on a lu et on a été bien déçu. Si le fil directeur semble juste ("Internet ne créera pas magiquement une société où l'information circulerait librement et pacifiquement, où les rapports sociaux seraient miraculeusement modifiés") et la démonstration pas inintéressante, il reste que l'ouvrage pâtit de certains constats dressés à la va vite. En somme, on lit une critique de l' "idéologie internet" qui serait valable si elle ne s'appuyait pas sur une apologie de la télévision. Wolton considère en effet que contrairement à la télévision qui rassemble, internet désagrège puisque chacun va y puiser ce qu'il veut, interactivité oblige… On se demande bien où l'auteur va chercher tout ça puisque l'on sait très bien qu'il existe une multitude de pratiques télévisuelles et que le public de La 25ème Heure est radicalement différent de celui du Bigdil de Lagaf'. De plus, Wolton postule que le public garde un sens critique affûté vis-à-vis des messages qu'il reçoit. Il deviendrait alors difficile de le berner avec des images, par exemple. C'est oublier quelques grands scandales (le charnier de Timisoara, l'interview truquée de PPDA) que le bon sens populaire a gobé tout cru. Mais, surtout, c'est oublier que la désinformation d'aujourd'hui ne se fait pas par le trucage, mais par le silence. Un silence engendré par un trop-plein d' "informations" creuses : les résultats de foot, le dernier album de Johnny, les vacances des Chirac, le train qui déraille, l'avion qui s'écrase, le dernier sonneur de cloches qui s'éteint, etc. Dommage de passer cette composante essentielle de la communication d'aujourd'hui sous silence…

Zweig Stefan, Le joueur d'échecs, Paris, Le livre de poche, 1997, 95p.

Un inconnu qui n'a pas joué aux échecs depuis plus de 20 ans met le champion du monde de cette discipline en grande difficulté… un surdoué ? Non, un être torturé, transformé par les nazis… Style sobre et coulé, intrigue et mode de narration peu banals, ce livre est un petit plaisir qu'il ne faut pas se refuser. D'autant plus qu'avec moins de 100 pages, il se lit rapidement.


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